09 juin 2010

Agfa Box / Gunter Grass

L'Agfa Box (Histoires de chambre noire) / Günter Grass
Traduit par : Jean-Pierre Lefebvre
Seuil, Paris, 2010

Qu'on me le pardonne ou pas, mais je n'aime pas "La chambre claire" de Roland Barthes. (voir par exemple wikipedia)
Plus je photographie, et plus je lis sur la photographie (par exemple "Le mystère de la chambre claire - Photographie et inconscient" de Serge Tisseron), moins je suis d'accord avec la vision réductrice d'un philosophe qui semble surtout ne supporter ni la vue de sa propre image, ni ce qu'elle dit du temps qui s'écoule.

Je ne vous cacherai donc pas le plaisir que j'ai dès lors eu à lire (et celui que j'ai encore à relire) "L'Agfa box" de Günter Grass.

Il y est question d'un père (Grass lui même), d'une ribambelle d'enfants (huit) semés dans le terreau de plusieurs mères, et d'une vielle Marie équipée de Hasselblad et Leica - excusez du peu - mais aussi d'un Agfa Box...
Le Hasselblad et le Leica ne présentent aucun intérêt. Ils font des photos. Un point c'est tout. Oubliés. Et tant pis pour ceux qui en rêvent ou ne jurent que par eux!
Par contre l'Agfa Box semble avoir des propriétés magiques... Au père, il livre la documentation de ses romans. Aussi éloignée que soit l'époque, il revisite les lieux, et fournit tous les détails sur les gens et les choses. Aux enfants, il fait voir ce que pourrait être ou ce que sera l'avenir.

Et là, on rejoint l'art des grands photographes, qui ne semblent ni contraints par la distance, ni par le temps pour nous faire voir les choses. Ni celles qui ont été. Ni celles qui seront. Ni celles encore qui pourraient être ou qui ne seront jamais.

On trouve aussi la liberté du spectateur. Celle des enfants, tournés vers l'avenir... du père, du romancier, tourné vers le passé... Le même appareil, la même photographie sans doute, leur livre des représentations et des significations totalement différentes.

Ce roman n'est qu'une fable, bien entendu. Et les photographies ne resteront jamais que des photographies. Mais au moins Günter Grass nous rappelle que nous pouvons les penser autrement... et les penser comme nous voulons...

1 commentaire:

mimylasouris a dit…

Voilà encore un bouquin que j'ai envie d'ajouter à ma longue liste fictive (heureusement, cela permet d'en oublier au fur et à mesure, sinon je me laisserais déborder et me refuserais aux rencontres de hasard), d'autant plus (paradoxalement) que je viens d'achever la lecture de Barthes, qui m'a énormément plus. Je serais curieuse de lire une fable moins angoissée - parce qu'il a beau dire, le philosophe ne parvient pas à détacher son idée de l'essence de la photo comme montrant "ce qui a été" de "ce qui n'est plus" (pas très étonnant en travaillant à partir de la photo d'une défunte).