10 février 2009

Expo: Shadi Ghadirian / Une photographe iranienne

Shadi Ghadirian / A photographer from Iran
Exposition 13 février / 4 avril 2009 - du mardi au vendredi 11h à 18h, samedi 14h à 18h ou sur rendez-vous
Vernissage jeudi 12 février, 18h-21h
Aeroplastics Contemporary / 32 rue Blanche / 1060 Bruxelles

Aeroplastics Contemporary présente la première exposition monographique complète de la photographe iranienne Shadi Ghadirian. Révélée en 2001 avec les séries Qajar et Like Everyday, l'artiste n'a cessé depuis lors d'explorer la thématique du conflit entre tradition et modernité, et celle de la position de la femme dans une société dominée par des stéréotypes masculins. En filigrane transparaît toute l'histoire des rapports entre Orient et Occident, dans un contexte mondial qui voit l'Iran, tiraillé entre volonté de réformes et repli conservateur, tantôt placé au ban des nations, ou au contraire considéré comme un incontournable partenaire économique et politique.
Représenté à la biennale de Venise depuis les années soixante, l'Iran s'en retire dès la révolution : il faut attendre 2003 pour que le pays bénéficie à nouveau d'un pavillon. Paradoxalement, cette année voit aussi le retour des conservateurs au pouvoir, après une période réformatrice qui avait suscité l'espoir d'une plus grande ouverture sur l'extérieur, l'amélioration des droits de l'Homme et celle de la condition féminine dans la république islamique. La série Like Everyday (Domestic Life), qui présente des femmes entièrement voilées, le visage caché par un ustensile ménager, apparaît comme une critique acerbe de l'obligation de porter le voile ; mais l'artiste met en garde contre une lecture trop littérale de ces images, et souligne que le thème de la femme-objet a malheureusement une dimension universelle... La série West by East joue des codes de la mode pour explorer le même thème : dans ces portraits de femmes vêtues à l'occidentale, Shadi Ghadirian a recouvert de hachures noires les parties dénudées des corps ainsi que les cheveux, rappelant l'obligation de dissimuler en public ce qui s'expose dans les pages des magazines. La technique utilisée est simple mais efficace : les modèles sont placées derrière une vitre sur laquelle intervient l'artiste – une méthode également utilisée pour la série Be Colourful. Ces recherches sur un corps à la fois caché et révélé se trouvent déjà en 1998 dans les images qui composent Out of Focus. Quant à la série Qajar, son titre évoque la dynastie du même nom (1794-1925), sous laquelle la photographie de portrait fut introduite en Iran. Voilées et habillées à l'ancienne, posant dans des décors du dix-neuvième siècle, des femmes présentent des objets tels qu'une radio, un vélo tout terrain ou un aspirateur, comme un pont entre deux mondes bâti sur le besoin un peu futile, mais tellement humain, de posséder. Enfin, les images de Ctrl+Alt+Delete combinent avec subtilité le décalage entre tradition et modernité avec un questionnement sur le tabou qui entoure le corps de la femme dans la société musulmane : placée devant un fond noir avec lequel elle se confond, le modèle est dans le même temps révélée par les icônes informatiques qui le recouvrent.
Les nouvelles séries White Square, Nil Nil et My Press Photos apparaissent comme un prolongement de ces différentes thématiques, auxquelles vient s'ajouter celle de la guerre. Pour White Square, Shadi Ghadirian a photographié, sur un fond blanc et neutre, des objets militaires usagés (casque, ceinturon, chapelet de balles, ...), qu'elle décore d'un petit ruban de soie rouge. Isolés de leur contexte et ainsi parés, ces ustensiles guerriers apparaissent à la fois menaçants et délicats, leur agressivité tempérée par l'élément féminin. Avec Nil Nil, ces mêmes objets pénètrent dans la sphère familiale (grenade dans la coupe de fruits, coutelas ensanglanté à table, masque à gaz dans la chambre des enfants, ...) : sur le quotidien paisible plane la menace du conflit, mais celle-ci semble dans le même temps contenue par la tranquillité des lieux. Quant aux collages de My Press Photos, ils combinent des images tirées de catalogues de photographies de presse avec d'anciens portraits de militaires iraniens : à travers le temps et l'espace, la violence et la guerre rappellent leur dimension tristement universelle, et essentiellement masculine.
Pierre-Yves Desaive / Critic and curator / Brussels, January 2009

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