01 juin 2011

Bernard Plossu / Charleroi

Bernard Plossu / Charleroi
Musée de la photographie / Avenue Paul Pastur, 11 / 6032 Mont-sur-Marchienne
28/5/2011 - 18/9/2011

"Des images pour Charleroi
Il n’est besoin que de se promener en ville aujourd’hui, de tenter de s’y garer, pour se rendre compte que la prochaine décennie sera capitale pour Charleroi. La ville, mais pas seulement elle, toute la métropole sambrienne, va changer de physionomie.
Les Fonds Feder de l’Objectif 1 et les considérables investissements privés venus accélérer un processus de reprise contribuent, par-delà les options et les débats, à rendre confiance à une population résignée et à éveiller ailleurs l’attention de ceux qui avaient fait de Charleroi le siège de tous les maux, un commode repoussoir, le pays noir pour mouton noir.
Certes, le chemin est long encore et la convalescence le sera tout autant. Il n’est pas ici plus qu’ailleurs de potion miracle et nous savons tous qu’il ne suffit pas d’élever des tours, de repeindre des façades, de percer des places et des parkings pour que l’argent revienne aussitôt à Charleroi.
Les choses vont aller très vite : sur la carte de l’ancienne ville un nouveau tissu urbain se profile peu à peu, que les chantiers, qu’ils soient ceux du métro ou de la Ville Basse permettent d’entrevoir. Dans quelques années, devant les réalisations obtenues, l’on aura oublié ce que furent les grands chantiers, les difficultés de circulation et les désagréments actuels pour les usagers, et l’on ne gardera plus en mémoire que ce qui fut, ce qui a été. C’est précisément ce constat qui nous a menés à initier le projet de missions photographiques pour Charleroi.
«Celui qui aime est trop près» écrivait Jacques Chardonne. Nous avons songé qu’outre des artistes de qualité, des photographes professionnels ayant une œuvre derrière eux, une réputation internationale, il nous fallait majoritairement solliciter des photographes étrangers. Non par snobisme ou par dédain d’une création en Belgique, mais parce que celui qui vient de loin voit, sinon mieux, autrement et que nous serons surpris du regard que porteront sur la ville ceux qui ne sont pas des familiers de Charleroi.
Que l’on ne se méprenne pas sur la nature et l’objet d’une mission photographique : il ne s’agit pas d’embellir la ville, d’en faire autre chose que ce qu’elle est à l’instant où elle est photographiée. Ceci n’est pas un dépliant publicitaire, ni une carte postale avec ciel bleu piqué de nuages blancs et fleurs à chaque balcon. Charleroi n’est pas, ne sera jamais Paris, Bruges ou Venise, mais comme je l’ai déjà dit ailleurs, il faut d’abord qu’elle devienne, qu’elle redevienne Charleroi.
Une liste de dix photographes dont neuf étrangers, jeunes et moins jeunes, a ainsi été dressée qui seront appelés à travailler sur Charleroi les cinq années à venir. Cette archive ainsi constituée donnera lieu à des expositions personnelles ou collectives, mais sera aussi disponible pour les générations futures, pour nos activités propres, comme pour celles de la ville et celles des entreprises ou des organismes qui participeront financièrement en notre projet. «Charleroi 2011» et la perspective de «Mons 2015» sont d’ailleurs d’excellentes échéances pour arrêter un projet d’ampleur.
Bernard Plossu est un photographe de renommée internationale ; il a à son actif de nombreuses expositions dans des lieux prestigieux et diverses monographies importantes. Il est en outre représenté dans les principaux musées et centres de photographie du monde entier. Né en 1945, il a longtemps vécu aux USA. Influencé par le cinéma français, par la Nouvelle Vague en particulier, son style se caractérise par une photographie mouvante, mobile, sorte de visions furtives qui suggèrent une ville plutôt qu’elles ne la racontent. Même s’il a, depuis quelques années, fixé son domicile dans la ville portuaire et populaire de La Ciotat, non loin de Marseille, il demeure un voyageur, rassemblant en blanc et noir les villes qu’il semble traverser à vive allure. Charleroi lui plaisait où il était venu déjà à diverses reprises à notre invitation, y retrouvant un peu des villes américaines et de ses banlieues interminables, un peu des chantiers de La Ciotat et de sa population métissée. «Charleroi a une gueule» nous répétait-il souvent, «une ambiance de film». Un soir, après un vernissage, alors que je le ramenais à son hôtel, il me demanda de faire le tour du ring dans ma voiture ; nous en fîmes cinq ou six, par une belle nuit qui détaillait dans l’éclairage urbain les façades illuminées et la profondeur d’un paysage qui semblait ne connaître de limites. Ce fut tout naturellement que je lui parlais du projet que nous nourrissions et qu’il accepta d’emblée, sans en connaître encore les conditions. Il revint un mois de novembre et entreprit de photographier la ville dans cette urgence qui lui sied, comme s’il ne devait jamais s’arrêter, mais de jour cette fois, me demandant de reprendre dix fois encore le chemin de ce périphérique tant décrié des habitants de Charleroi, que je tiens aujourd’hui pour l’une des spécificités de la ville.
Xavier Canonne, Directeur du Musée de la Photographie"

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